La Commission européenne ouvre une enquête formelle sur les pratiques d'utilisation du contenu IA de Google

December 10, 2025
Commission européenne
5 min

Résumé des actualités

La Commission européenne a lancé mardi une enquête formelle antitrust pour déterminer si Google a violé les règles de concurrence de l'UE en utilisant du contenu d'éditeurs web et des vidéos YouTube pour alimenter ses fonctionnalités d'intelligence artificielle sans compensation appropriée ni permettre aux créateurs de contenu de refuser.

Détails de l'enquête

L'enquête examinera si Google fausse la concurrence en imposant des termes et conditions inéquitables aux éditeurs et créateurs de contenu, ou en s'accordant un accès privilégié à ce contenu et en désavantageant les développeurs de modèles d'IA concurrents, selon l'annonce de la Commission européenne.

L'enquête cible spécifiquement deux des fonctionnalités de recherche de Google basées sur l'IA : AI Overviews et AI Mode. Ces services génèrent des résumés et des réponses conversationnelles en s'appuyant sur le contenu des éditeurs web et des téléchargements YouTube. La Commission a déclaré qu'elle enquêterait sur la mesure dans laquelle ces fonctionnalités d'IA sont basées sur le contenu des éditeurs web sans compensation appropriée et sans la possibilité pour les éditeurs de refuser sans perdre l'accès à Google Search.

Préoccupations clés

L'organisme de réglementation a identifié plusieurs problèmes critiques dans les pratiques d'IA de Google :

Dépendances des éditeurs : De nombreux éditeurs dépendent fortement de Google Search pour le trafic utilisateur, créant une situation où ils ne peuvent pas refuser que leur contenu soit utilisé à des fins d'IA sans risquer leur visibilité dans les résultats de recherche. Cette dépendance force potentiellement les éditeurs à accepter des conditions qu'ils rejetteraient autrement.

Politiques de contenu YouTube : Google exige des créateurs de contenu téléchargeant des vidéos sur YouTube qu'ils accordent la permission d'utiliser leurs données. L'enquête examinera si les créateurs reçoivent une compensation appropriée pour cette utilisation et s'ils disposent d'alternatives significatives. De plus, les conditions de YouTube empêchent les entreprises d'IA concurrentes d'utiliser le même contenu pour entraîner leurs modèles, ce qui pourrait donner à Google un avantage concurrentiel déloyal dans le développement de l'IA.

Désavantage concurrentiel : La Commission craint que Google n'exploite sa position dominante sur les plateformes de recherche et de vidéo pour obtenir un accès privilégié à des données d'entraînement que les concurrents ne peuvent pas obtenir, désavantageant ainsi les développeurs de modèles d'IA rivaux.

Réponse de Google

Google a défendu ses pratiques, déclarant que "cette plainte risque d'étouffer l'innovation dans un marché plus concurrentiel que jamais". L'entreprise a souligné que les Européens méritent d'avoir accès aux dernières technologies et a indiqué qu'elle continuerait à collaborer avec les industries de l'information et de la création pendant la transition vers l'ère de l'IA.

Cadre réglementaire

La Commission européenne mène cette enquête en vertu de l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui interdit aux entreprises d'abuser de positions dominantes sur le marché. Cela représente l'application des réglementations de concurrence de longue date de l'UE plutôt que de la nouvelle loi sur les marchés numériques.

Teresa Ribera, vice-présidente exécutive de la Commission européenne pour une transition propre, juste et compétitive, a déclaré : "L'IA apporte une innovation remarquable et de nombreux avantages pour les citoyens et les entreprises à travers l'Europe, mais ce progrès ne peut se faire au détriment des principes au cœur de nos sociétés."

Contexte historique

Cette enquête s'ajoute aux défis réglementaires croissants de Google en Europe. En septembre, l'UE a infligé à Google une amende de près de 3 milliards d'euros pour avoir enfreint les règles antitrust en faussant la concurrence dans l'industrie de la technologie publicitaire. Au fil des ans, Google a accumulé environ 9,5 milliards d'euros d'amendes de l'UE pour diverses violations de la concurrence.

Implications plus larges

L'enquête reflète une tension mondiale croissante concernant la manière dont les entreprises d'IA devraient rémunérer les créateurs de contenu dont le travail alimente ces systèmes. Des préoccupations similaires sont apparues dans le monde entier, avec des éditeurs et des créateurs de contenu intentant des poursuites contre des entreprises d'IA pour violation du droit d'auteur dans plusieurs juridictions.

L'enquête souligne également le défi auquel sont confrontés les régulateurs pour équilibrer l'innovation et la concurrence loyale. Alors que l'IA générative devient de plus en plus centrale dans les stratégies des entreprises technologiques, les questions d'accès aux données, de droits de contenu et d'équité concurrentielle sont devenues des priorités réglementaires critiques.

Dimensions politiques

L'enquête a suscité des critiques de la part de personnalités politiques américaines, l'ancien président Donald Trump ayant déjà commenté les actions de l'UE contre les entreprises technologiques américaines. Suite à de précédentes amendes infligées à Google, Trump a écrit sur les réseaux sociaux : "L'Union européenne doit cesser cette pratique contre les entreprises américaines."

Cependant, la Commission européenne a maintenu qu'elle restait "agnostique" quant à la nationalité des entreprises faisant l'objet d'une enquête et appliquait ses règles de concurrence de manière égale à tous les acteurs du marché.

Prochaines étapes

La Commission a priorisé cette enquête et lui a attribué le numéro de dossier AT.40983. Bien qu'aucun calendrier n'ait été établi pour son achèvement, la durée de l'enquête dépendra de la complexité du dossier, du niveau de coopération de Google et de la stratégie de défense juridique de l'entreprise.

S'il est reconnu coupable d'avoir violé les règles de concurrence de l'UE, Google pourrait faire face à des amendes substantielles pouvant atteindre 10 % de son chiffre d'affaires annuel mondial et être tenu de modifier ses pratiques commerciales concernant l'utilisation du contenu d'IA.

À mesure que cette enquête se déroulera, elle établira probablement d'importants précédents sur la manière dont les entreprises d'IA peuvent légalement utiliser le contenu en ligne et sur les obligations qu'elles ont envers les créateurs de contenu et les éditeurs dans le paysage en évolution rapide de l'intelligence artificielle.